L'autonomie des objets connectés

L'autonomie des objets connectés

Laurent Remont, Technology and Product strategy VP de STMicroelectronics :

« L'approche globale système de bout en bout »

La manière même de penser le système réduit ou allonge l'autonomie de l'objet connecté. Il faut penser très clairement à l'architecture et à son fonctionnement de bout en bout, à la captation d'information, au traitement de la donnée, à la périodicité de ces traitements, aux retours visuels, sonores ou autre, etc.

Il s'agit par exemple de se demander si les données sont exploitées localement ou dans le cloud et il n'est pas dit que le calcul local sera plus énergivore que la transmission des données des capteurs.

Les cycles de fonctionnement sont primordiaux. Il est facile de se laisser aller à la vitesse et de souhaiter récupérer les données des capteurs toutes les minutes pour avoir du pseudo temps réel.

Mais s'il s'agit par exemple d'un système de suivi environnemental, pour une plante par exemple, imaginez le gain énergétique si le relevé n'était réalisé que toutes les dix minutes ? Et toutes les heures ? La qualité du service n'en serait finalement pas impactée et l'autonomie du capteur serait multipliée par dix voire soixante. Encore plus élégant, une captation ponctuelle à la demande en devient presque négligeable.

Le nombre de capteurs engagés est également important. Sont-ils tous nécessaires ou certains sont-ils placés « au cas où » ? Ce genre de fantaisie se paie souvent cher, en énergie et en coût de fabrication. Ne peuvent-ils pas être remplacés par un algorithme côté serveur qui exploiterait les autres données ? Lorsque l'on parle de conception hardware, l'adage« less is more » est un credo particulièrement adapté.

Enfin, il convient de s'interroger sur la quantité d'informations transmises au service et sur la distance à laquelle elles seront portées. De là le choix du protocole s'imposera : Wi-Fi ? Bluetooth IPV6 ? ou encore Lora ou SigFox ? La guerre des réseaux M2M n'en est qu'à ses débuts :

Le choix du hardware

Les modes de fonctionnement intégrés ne sont pas à négliger lors du choix du cerveau de l'objet connecté. Dispose-t-il d'un sleep mode qui l'endormira lorsqu'il n'est plus nécessaire, réduisant sa consommation à quelques dizaines de microampères ?

Un microcontrôleur adapté peut être décisif. En cette période de grande émulation autour de l'IoT, les fondeurs font feu de tout bois pour proposer les meilleures performances au coût financier et énergétique le plus minime. ARM, Freescale, Texas Instrument, et bien sûr STMicroelectronics proposent dès à présent de petites merveilles de conception. Intel également avec Intel Edison et bientôt la Intel Curie s'évertue à rester dans la course des objets connectés.

Ou encore est-il possible de couper l'alimentation d'une partie de son architecture ? À l'heure où de plus en plus de systèmes sont all-in-one, c'est-à-dire que dans une puce unique, vous disposez du Bluetooth, du Wi-Fi, d'un accéléromètre et autres capteurs, il est nécessaire de pouvoir les éteindre en partie.

L'environnement en tant que source d'énergie

Optimiser la conception du système de l'objet connecté est une première étape indispensable. Mais il est possible d'aller plus loin encore pour augmenter sensiblement l'autonomie.

Notre objet va évoluer au sein d'un environnement et en exploiter les forces. Celles-ci vont permettre de charger la batterie au fur et à mesure que l'objet y sera exposé. On pense forcément à l'énergie solaire. Abondante, pleine de promesses. Et pourtant selon Jean-Frédéric Martin, fondateur et dirigeant d'Arveni, c'est loin d'être la panacée : « En dessous (d'un panneau) d'un mètre carré, les grands du domaine n'utilise pas le photovoltaïque. » Un mètre carré ? Un peu grand pour nos wearables.

Il y a, en attendant, de nombreuses autres forces exploitables. La chaleur, le vent, la houle, le mouvement, les chocs voire les vibrations. La transformation de ces vibrations en énergie est l'affaire de la piézoélectricité et Arveni justement en est l'une des sociétés expertes.

Jean-Frédéric Martin déplore d'ailleurs qu'Arveni ne soit approché que par l'industrie ferroviaire, dans laquelle l'application de cette technologie est évidente. Leur expertise est pourtant prête depuis des années à répondre aux besoins des objets connectés et pourrait même pousser la problématique de l'autonomie plus loin que nous n'aurions pu l'espérer. La fin de la batterie.

L'information crée l'énergie

« En dessous de 100 micro joules, on communique bien. » et c'est l'expert Harvesting du CEA TECH-LETI, Sébastien Boisseau, qui nous l'assure. Imaginons que notre objet soit composé d'un capteur qui, une fois actionné, fournisse assez d'énergie pour transmettre l'information. Pas de piles, pas de batterie, le fait d'agir de l'extérieur avec le dispositif fournirait l'information et l'énergie.

Arveni l'a fait et démontre son expertise à travers un interrupteur piézoélectrique sans pile et sans fil.

Avouons que concevoir un objet connecté en y incluant la possibilité de supprimer la batterie ouvre des perspectives fascinantes.

La fin de l'obsolescence programmée ?

L'objet connecté a ceci de particulier qu'il crée de la valeur dans le temps. Plus longtemps l'utilisateur use du service offert, plus abondante est la remontée de données, plus le service crée de la valeur dans un cercle vertueux où tout le monde est gagnant. Il est donc nécessaire de concevoir un objet durable et résilient afin de garantir un accès au service sans interruption.

Il s'agit d'un changement de paradigme majeur dans la conception et la consommation de biens. Où certains parlaient d'obsolescence programmée, Karim Houni, Senior Innovation Project Manager du groupe Seb, parle aujourd'hui d'obsolescence « prolongée » par l'IoT.